Congrès Etudes féministes

De la théorie queer aux stratégies de labellisation LGBT

Conférence – 6e Congrès international des recherches féministes francophones

du 29 août au 2 septembre 2012 – Lausanne

Née au début des années 1990, la théorie queer a sans doute été une des plus importantes innovations, non seulement dans le champ académique anglophone d’abord, francophone ensuite, mais aussi dans le champ plus vaste du militantisme mixte gay et lesbien. Remettant en question la cristallisation identitaire que l’on voyait à l’œuvre dans les années 1980, la proposition théorique queer entendait contester l’homologation « gay et lesbienne », aussi bien en milieu académique qu’en milieu militant. On oublie pourtant de remarquer que dans les textes fondateurs de la théorie queer (Teresa de Lauretis), il s’agissait – d’un point de vue féministe – de « troubler » la fixité identitaire en soulignant les faits et effets de genre inhérents au contrat homosocial.

 

À la fin des années 1990, et plus particulièrement au début des années 2000 dans l’espace francophone, l’introduction de la formule LGBT entendait dépasser les apories queer et manifester la convergence inter-associative et politique de l’archipel militant LesBiGay et Trans. Le succès de cette nouvelle configuration – que le monde académique peine à adopter – tient à l’unité symbolique qu’elle véhicule à l’extérieur, et notamment dans l’arène politique, quand bien même elle cacherait de fortes divisions internes. Il reste à noter comment cette formule LGBT, pour efficace qu’elle soit, n’en reste pas moins une forme de labellisation politiquement présentable dont le but inavoué et inavouable est la neutralisation de la critique féministe et queer. L’évacuation des faits et effets de genre permet alors de solidifier la fiction d’une identité LGBT, universelle, abstraitement neutre, sémantiquement passe-partout, médiatiquement gagnante, mais dès lors politiquement inoffensive, et d’achever ainsi, sous couvert d’égalité des droits, la sortie de scène des critiques féministes et queer. Où l’on voit que la normativité hétérosexuelle demeure le référentiel déterminant les stratégies militantes des mouvements officiellement lesbiens, gais, bi et trans.